Anthologie essentielle Fernando Pessoa
Par Didier Debroux - 2 septembre 2017
« La veille de ne jamais partir…« . Tout Pessoa est dans cette phrase. S’il ressent l’appel du voyage, le poète reste sur le quai ; il sait que les continents qui l’attendent se trouvent en lui-même. L’homme a entrepris mille choses sans en achever aucune, à l’exception de son oeuvre littéraire. « Car la langue est ma patrie…« , dit-il. Hors le domaine littéraire, il n’a pas d’ambition. D’action, il ne s’engagera que dans la rêverie et l’introspection. L’amour, il ne s’en préoccupera guère que dans sa poésie où « …Ma bouche a reçu les baisers de toutes les rencontres,… « , « J’ai couché avec tous les sentiments… »,. Entrer dans l’oeuvre du maître de Lisbonne c’est ouvrir la porte d’un continent infini, où l’on se perd, où l’on conjugue l’ombre et la lumière. « …Je me suis créé écho et abîme. Je me suis multiplié en m’approfondissant… » De son universalité, il fait un compagnon éternel qui jamais ne vous abandonne !
Anthologie Essentielle, éditions Chandeigne
Donc l’œuvre de Fernando Pessoa (1888-1935), en grande partie posthume, est considérée aujourd’hui comme l’une des plus importantes du XXème siècle, la découverte de sa poésie et du Livre de l’Intranquillité ayant été une révélation dans le monde entier. Le projet complexe de Pessoa consiste, par l’écriture, à « tout sentir de toutes manières », ce qui l’a conduit à éclater son « moi » en plusieurs écrivains fictifs, les « hétéronymes », dotés chacun d’un nom (Alberto Caeiros Álvaro de Campos, Ricardo Reis, Fernando Pessoa lui-même, Bernardo Soares, etc.) d’un style propre et d’une vision du monde singulière. Cette anthologie, très concise, est une introduction à cette œuvre multiforme et inclassable. Elle permet de découvrir ce précurseur génial de notre modernité, en appréhendant l’essentiel de son « dispositif hétéronymique », pour en saisir, dans une présentation bilingue, la force et la beauté, la variété et l’unité. (Quatrième de couverture)
Extrait
« J’ai enlevé le masque et me suis vu dans le miroir…
J’étais l’enfant d’il y a tant d’années…Je n’avais pas du tout changé…
Voila l’intérêt qu’il y a à savoir ôter le masque.
On est toujours l’enfant,
Le passé qui demeure,
L’enfant.
J’ai enlevé le masque, et puis je l’ai remis.
Comme ça c’est mieux.
Comme ça je suis le masque.
Et je retourne à la normale comme on arrive au terminus.«
Le Pélerin, Editions de la Différence
Dans ce récit initiatique, datant de 1917, le jeune narrateur – le Pèlerin – évoque d’abord sa vie paisible chez ses parents, jusqu’au jour où, alors qu’il contemple la route en bas de chez lui, apparaît un mystérieux Homme en noir qui lui dit : » Ne fixe pas la route ; suis-la. » Une force mystérieuse le pousse alors à quitter sa maison et à suivre la route. Jusqu’où ? » Puisqu’il m’avait dit de la suivre et non de l’emprunter jusqu’à un certain point, je devais la suivre sans m’arrêter, jusqu’au bout… » Qui est l’Homme en noir et quel est l’objet de la quête qui jette le narrateur sur la route ? Comme dans tout conte initiatique, il sera soumis à la tentation et subira diverses épreuves, dont, d’étape en étape, il sortira vainqueur. Arrivé au bout de la route, quelle sera sa découverte ultime ? (Quatrième de couverture)
Extrait
« J’habitais la maison de mes parents, dans ma ville natale au bord de la mer, et j’étais content. Aucune occupation ne venait distraire mon esprit des charmes propres à l’imagination heureuse des adolescents ; l’amour, avec sa joie insatisfaite, n’était pas encore venu troubler la limpidité de ma vie. »
Fernando Pessoa ne cesse de surprendre, à chaque lecture, à chaque âge. Son oeuvre se révèle sans limite. Elle se découvre et se redécouvre, livrant à chaque fois un secret inattendu, une révélation solitaire, une abstraction paradoxale… Bref, un régal!
Retrouvez ce roman sur le site de l’éditeur Chandeigne
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