Les enfants verts Olga Tokarczuk
Par Dominique de Poucques - 29 décembre 2020
Délicieuse découverte que ce petit livre vert. Olga Tokarczuk, romancière polonaise lauréate du Prix Nobel, dévoile avec une apparente simplicité ce conte philosophique se déroulant au 17ème siècle, prétexte à soulever des questions toujours pertinentes quatre cents ans plus tard.
William Davisson, botaniste d’origine écossaise est le médecin particulier du roi de Pologne, pauvre hère souffrant de terribles affections, voyageant pourtant sans cesse entre Varsovie et le reste de son royaume. La relation entre les deux hommes est cordiale et leurs échanges fréquents : Le roi me demanda : « Qu’est-ce donc que la nature » ? En mon âme et conscience, je lui répondis que la nature, c’était tout ce qui nous entourait, à l’exception de ce qui est humain, c’est-à-dire nous et nos créations. Le roi cligna des yeux, comme s’il faisait un essai d’accommodation visuelle ; j’ignore ce qu’il vit, mais il déclara : – C’est donc un grand rien.
Lorsque le souverain part une nouvelle fois gérer son pays en proie à d’incessantes guerres et invasions, le docteur alors blessé par une chute reste dans l’arrière-pays isolé entre forêts et marais, avec pour seule occupation l’adonnation à diverses observations de botanique et de philosophie. Un beau jour apparaissent deux enfants à l’apparence étrange, possiblement dotés de pouvoirs surnaturels. L’un deux tombe rapidement malade et succombe au mal qui l’affaiblit. Lorsque son corps disparaît, la peur s’installe auprès des habitants. Mais petit à petit l’attitude à l’égard de l’enfant sauvage survivant se change en curiosité et bientôt celle que l’on appelle Ośródka, l’enfant à la peau et aux cheveux verts, rassemble les foules pour leur parler d’un autre pays, caché dans la forêt, au-delà des marais…
L’air de rien, Olga Tokarczuk emmène le lecteur au-delà de cette fable vers une réflexion profonde et actuelle autour de thèmes universels : la manière dont l’homme considère l’autre et sa différence ; la place de ce qu’il considère comme son centre et tout ce qui lui est périphérique ; la fonction et la force de la nature. Ce faisant, elle propose à travers ce tout petit livre un grand moment.
Retrouvez ce roman sur le site de l’éditeur La contre allée
DES LIVRES QUI POURRAIENT VOUS PLAIRe...
La fin de la jalousie | Marcel Proust
Elégance, justesse du trait, causticité... tout Proust est dans ce recueil. Et la langue est là ! Belle, précise, délicate, déjà proustienne. Une manière simple d'entrer dans l'oeuvre du Grand-Ecrivain.
LireSa dernière chance | Armel Job
Le romancier s’amuse à faire pencher le lecteur d’un côté et de l’autre d’une balance invisible, entre âmes vertueuses et corrompues, entre tolérable et inacceptable. Il sonde l’être humain qui...
LireGuide des égarés | Jean d’Ormesson
On pourrait en écrire des lignes sur ce petit opuscule que vient de publier le plus célèbre des Immortels, tant il condense en une centaine de pages tout ce qui...
LireQuand Dieu boxait en amateur | Guy Boley
Avec le sentiment poignant du temps perdu à s’opposer à ce père qu’il ne voyait que comme une épave à éviter, Guy Boley comprend trop tard quelles furent les aspirations...
LirePar la racine | Gérald Tenenbaum
Samuel est écrivain, spécialisé dans l’écriture de biographies imaginaires. À la mort de son père, il récupère une boîte renfermant les souvenirs de son père. Ce faisant, il devient l’héritier...
LireNégo | Laurent Combalbert
Un accord passé entre un négociateur hors pair et une société surpuissante et nébuleuse, concernant le rachat de terrains promis à un projet de protection de la biodiversité. Tous les...
Lire