WHITE BRET EASTON ELLIS

Par Didier Debroux - 25 mai 2019

A l’heure où certains veulent effacer le passé pour ne plus éclairer le présent, Bret Easton Ellis convoque le conservatisme pour obliger, avec « White », à penser et d’abord contre nous-même. Sous la forme d’un essai, qui prend souvent l’allure d’une conversation mondaine, Ellis tente de décrire notre monde polarisé à l’extrême où l’idéologie progressiste, la morale, étouffent et peuvent conduire au pilori. Il y a là, comme une résonance à « Nouvelle morale, nouvelle censure » d’Emmanuel Pierrat.

Certes, « White »est une pierre de plus dans une littérature déjà abondante aux Etats-Unis depuis la victoire de Donald Trump et qui cherche à comprendre la déroute électorale de la gauche américaine. Mais Ellis n’est ni philosophe, ni sociologue, c’est un esthète, un dandy provocateur qui, de sa plume, irrite les nerfs et fait bondir. Oui, confirmons, il oblige à penser, d’abord contre soi-même.

Les plus belles pages sont celles sur l’enfance dans les années 1970: « Nous étions des enfants qui erraient dans un monde presque uniquement fait pour les adultes. Personne ne se souciait de ce que nous regardions ou pas, de ce que nous ressentions ou voulions, et le culte de la victimisation n’avait pas encore commencé à exercer sa fascination. C’était en comparaison de ce qui est aujourd’hui acceptable et des enfants couvés dans l’impuissance, une époque d’innocence ». Les plus interpellantes sont celles consacrée à la naissance d’ American Psycho. 

« White » fait déjà polémique outre-Atlantique, fustigeant: ultra connexion, suprématie du « Likable », culture d’entreprise triomphante, hystérie autour de la figure de Trump, victimisation des minorités, narcissisme et pensée unique. Sous couvert d’une déambulation autobiographique et usant sans retenue du contre-pied, Bret Easton Ellis dézingue tout le système, dressant un portrait sans concession de l’Amérique . « American Psycho décrivait une société de surface dominée par des valeurs illusoires, conséquence de la poursuite du rêve américain : isolement, aliénation, corruption, le vide consumériste sous l’emprise de la technologie et de la culture d’entreprise ». Hélas, prévient-il, « Rien n’a vraiment changé depuis trois décennies ». Passionnant!

Traduction PIERRE GUGLIELMINA
Parution le 2 mai 2019
292 pages, 140 x 220 mm

Retrouvez ce roman sur le site de Gallimard

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