L’auteur pose un regard atypique sur les relations de couple et d’amitié, dans leur forme peu courante, fondamentalement généreuse, lorsqu’elles n’attendent rien en retour. Ici, chacun aime l’autre pour ce...
LireDisparaître Lionel Duroy
Par Dominique de Poucques - 25 avril 2022
Enième roman autobiographique de Lionel Duroy, « Disparaître » semble une fois encore servir de thérapie à l’auteur qui toute sa vie a tenté de guérir de la « tristesse abyssale » qui l’habite par deux moyens différents — écrire et rouler à vélo : « L’homme qui pédale, comme l’homme qui écrit, n’a plus à se sentir coupable d’exister, il paye sa dette à chaque coup de pédale, à chaque ligne écrite, et moi je fais les deux, écrire et pédaler. »
Mais rien n’est jamais aussi simple qu’il n’y paraît chez Duroy. Lionel se soigne en racontant Augustin, son double, son clone. Il joue avec le lecteur, relatant des retrouvailles avec ses 4 enfants, organisées dans le but de leur annoncer son départ prochain : un voyage à vélo vers Stalingrad. Il n’ira pas jusqu’à leur dire qu’il nourrit le dessein de ne jamais en revenir. Au cours de ce déjeuner, il est question de sa manière de déformer la réalité dans ses livres. Il l’admet sans peine, le justifiant même : « Pour dire le tremblement, l’effondrement, il faut travailler les phrases jusqu’à ce qu’elles éclairent ce qu’il y a de plus obscur en nous, d’indicible, d’inavouable. Et s’il faut inventer une scène pour faire resurgir l’émotion ou l’horreur d’un moment, je vais l’inventer, bien sûr. » Naïf, le lecteur croira qu’il joue cette fois la carte de la vérité. Pourtant dans le second chapitre, relatant son épopée sur son deux-roues, il se dépeint écrivant cette scène du déjeuner, finalement inventée de toutes pièces. Lionel fait alors le récit du périple d’Augustin (ou est-ce le contraire ?), le ponctuant d’extraits écrits à propos ou par d’autres « fuyards » avant lui. C’est le cas de Tolstoï, fuyant loin de la folie de sa femme, s’apprêtant à s’isoler pour accueillir sa propre mort et terminant pourtant sa vie dans une gare bondée à quelques dizaines de kilomètres de chez lui.
Ce roman, qui ne manque pas d’ironie, résonne comme un point final dans lequel l’auteur « solde l’addition » du mauvais père, mauvais fils, certain d’être responsable de la tragédie familiale : « Cela remonte à l’enfance, à la conscience que nous, les dix enfants, avons fait le malheur de nos parents, qu’ils n’ont voulu aucun d’entre nous, que nous ne valions rien à leurs yeux, qu’ils auraient même été soulagés si nous avions pu mourir à la faveur d’une maladie […]tant leur vie était devenue difficile. »
Et comme il brouille admirablement les pistes, personne ne sera surpris de le voir resurgir prochainement, poursuivant inlassablement sa thérapie par l’écriture, nous offrant un nouveau tome de la saga de sa drôle de vie.
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