Orphelin de père, Joseph vit dans l’amour de sa mère et de sa grand-mère dans un quartier pauvre de Paris dans les années vingt. Lorsque sa mère meurt, il tente...
LireLa mer noire dans les grands lacs Annie Lulu
Par Dominique de Poucques - 10 février 2021
Annie Lulu signe un premier roman époustouflant. Par sa poésie, sa musicalité ; par la richesse du vocabulaire, la densité de l’écriture ; par son sujet, enfin : la quête d’un père, d’une origine, d’un pays. Le roman est écrit à la première personne. Nili est une jeune femme née d’un père congolais et d’une mère roumaine. Enceinte de son premier enfant, assise au bord du lac Kivu, elle lui raconte. Son amour inconditionnel, ses origines compliquées. Elle lui raconte parce qu’elle-même ne sait de sa propre mère que ce qu’elle a pu observer. Sa mère qui la battait lorsqu’elle posait la question de l’existence de son père. Qui livrait une bataille contre le corps et voyait l’érudition comme seule échappatoire au destin tracé et dangereux des femmes trop belles : « On développe notre cerveau pour qu’il remplace notre sexe. » Elle raconte à l’enfant à venir l’homme qu’elle a aimé, ce père qu’il ne connaitra jamais, celui qui avait compris qu’elle était « la perdition ambulante à la recherche d’un nid de futur où fomenter quelques jours supplémentaires contre l’obstination de l’absence à s’acharner contre elle ».
De Bucarest où elle a vécu son enfance dans un environnement hostile à sa couleur de peau, elle passe par Paris où décontenancée, elle réalise qu’elle n’est plus « cette fille hors du commun qu’on m’avait habituée à être toute mon enfance. Dans la haine, le mépris, l’affection, le rejet, j’étais tout de même un peu différente des autres, j’étais quelqu’un. […] Je découvrais l’insignifiance. » Elle part ensuite sur les traces de son père et arrive en Afrique, qu’elle idéalise, en opposition au « monde pourri » qu’elle connaissait jusqu’ici : « Sache-le bien, le Congo est comme une île. On n’a besoin de rien. On a le fleuve. Le fleuve et les premières radiances de l’abondance dans ce domaine bas et foisonnant. Des essaims d’étoile ont semé chez nous la couleur, les fruits, des centaines de rivières, les Grands Lacs, le poisson nourricier, le premier homme, les mathématiques, Dieu. Alors, mon fils, plus tu vas t’éloigner d’ici, vers le monde pourri que moi j’ai quitté, plus tu seras ignorant, un illettré en veste, avec des mocassins et des manches longues inadaptés à ce pays, c’est-à-dire à la vie, un homme habillé, un mythomane, un tordu. » Entre Goma et Kinshasa, elle cherche sa place dans ce pays qu’elle aime mais qu’elle ne connait pas. Impulsive, elle trouve auprès des jeunes congolais un combat qu’elle fait sien. De manifestations en emprisonnements, son quotidien fait de tentatives d’intégration, de déceptions, d’interrogations, de culpabilité, finira par lui coûter cher. Lui restera cet enfant de l’espoir : « La paix grandit en moi. »
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