Ce roman autobiographique semble une fois encore servir de thérapie à l’auteur qui toute sa vie a tenté de guérir de la « tristesse abyssale » qui l’habite par deux...
LirePar la racine Gérald Tenenbaum
Par Dominique de Poucques - 27 mars 2023
Samuel est écrivain. Spécialisé dans l’écriture de biographies imaginaires – réfutant l’idée du mensonge, les définissant plutôt comme apocryphes – il confectionne des vies nouvelles, embellies, étoffées, flattant les egos ou garantissant un nouvel avenir à ses clients. Lorsqu’il apprend la mort de son père placé en maison de retraite, il prend la route pour y récupérer les effets personnels de celui qu’il appelait par son prénom : Baruch. Dans cette chambre déjà occupée par une autre pensionnaire prédestinée, Samuel revoit et revit les instants partagés avec ce père amoureux de musique et de crème au beurre, aux allures bougonnes et aux silences évocateurs : « Baruch ne disait pas merci, c’était superflu. Dans une famille, le superflu frôle l’indécence, le nécessaire va de soi. L’implicite comme mode de communication, il avait bien fallu s’y faire. » Il y récupère une boîte en carton à son nom, renfermant les souvenirs de son père. C’est par ce legs que Baruch, faisant de Samuel l’héritier de sa mémoire, le mène à une nouvelle cliente. Sa rencontre avec Luce – la lumière – provoque une secousse imprévue dans l’existence de l’écrivain qui garde à l’esprit cette question en surimpression : quel lien mystérieux existe-t-il entre Baruch et elle ? Luce et Samuel entreprennent un voyage propice à faire remonter les souvenirs de la jeune femme et partant, en créer d’autres, permettant l’élaboration des grandes lignes d’un passé tout neuf. Un retour aux sources, fait de rencontres et de retrouvailles, heureuses ou douloureuses. En chemin, c’est sa propre vie que Samuel verra faire surface. L’image de Baruch se profilera à chaque étape, faisant finalement de ce père plus pudique et investi qu’il n’y paraissait, le grand chef d’orchestre de la vie de son fils.
Gérald Tenenbaum démontre son érudition et l’étendue de son talent à travers une écriture brillante et imagée, ponctuée de références musicales laissant deviner un amour profond pour les partitions citées. Chaque mot est choisi avec finesse et construit un ensemble au phrasé mélodieux. L’auteur aborde les thèmes de la transmission, de l’exil et du déracinement à travers Baruch, personnage absent et figure centrale du roman. Il nous ramène aux racines géographiques, familiales et à celles de la judéité, nous rappelant que contrairement à notre intuition – ou notre intime conviction – on ne connaît jamais vraiment ses parents.
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