Par les soirs bleus d’été Franck Pavloff
Par Didier Debroux - 2 décembre 2019
« Par les soirs bleus d’été, j’irai dans les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l’herbe menue :
Rêveur, j’en sentirai la fraîcheur à mes pieds.
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.
Je ne parlerai pas, je ne penserai rien :
Mais l’amour infini me montera dans l’âme,
Et j’irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature, – heureux comme avec une femme ».
C’est donc Rimbaud que convoque Franck Pavloff, dans son dernier opus, pour célébrer l’existence, la beauté, la nécessité de voir et d’entendre. Certes, « Par les soirs bleus d’été », se révèle un roman exigeant qui demande au lecteur de se soumettre à une plume délicate, diaphane. Mais quel plaisir de plonger dans cette histoire contée avec élégance! Surtout, C’est un livre courageux. Courageux, oui. Car, à l’heure de l’instantanéité, du bonheur obligatoire, Franck Pavloff met en scène un quatuor de perdants-magnifiques. De ceux qui ne savent comment exister et ne revendiquent rien. De ceux qui, pourtant, trouvent un chemin. Et, peut-être, là se niche l’héroïsme, le vrai.
L’histoire ? Celle de quatre personnages qui vont se retrouver dans un lieu-dit, au cœur des Cevennes, « La Montagne Perdue ». Ils sont tous en décalage avec la réalité et nourrissent un rapport complexe au langage : un enfant, autiste qui s’exprime avec des couleurs; une jeune femme qui, pour retrouver son enfant, passe, comme Alice, de l’autre côté du miroir en descendant dans une mine à charbon ; un homme qui vient d’Ukraine, pays déchiré par les guerres civiles ; une vieille dame qui perd la mémoire et cultive celle-ci grâce aux odeurs. Ces anti-héros, liés par la difficulté de communiquer, vont inventer une autre façon de célébrer Hermès. Grâce aux codes de la liberté et de la poésie, ils vont traverser une aventure commune, la vie. Ils vont apprendre à s’apprivoiser, à se respecter à… s’aimer. Et ces liens révèleront la meilleure part d‘eux-mêmes, privilégiant le bonheur collectif à celui, plus restreint, qu’offre le culte de l’individu.
Franck pavloff entretient un rapport quasi mystique à la littérature. « Il faut prendre soins des mots comme des âmes. La littérature demande de la patience. Elle modifie le rapport au temps. Un livre, c’est un éloge de la lenteur », confie-t-il. Et l’auteur de souligner que « La poésie crée un monde en marge du réel. Elle nécessite de faire un pas de côté et d’accepter de se laisser emporter dans une vision du monde non pas naïve, mais émotionnelle ».
C’est un livre qui s’écoute autant qu’il se lit où la poésie, la peinture, la musique se conjuguent pour convoquer, au tribunal de la modernité, une autre manière de contempler le genre humain.
Retrouvez ce roman sur le site des éditions Albin Michel
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