Les enfants de choeur de l'Amérique Héloïse Guay de Bellissen

Par Didier Debroux - 16 avril 2017

C’est l’histoire de deux personnages qui vont se faire une promesse sans se connaître, autour d’un livre « L’attrape-coeurs » de Salinger. C’est un portrait de l’Amérique avec ses fantômes en filigrane.

Roman choral, construit en quatre mouvements, tels les quatre composantes de notre coeur. C’est donc une tragédie versus antica qui annonce le pire, qui se révèle une prophétie…

Nous sommes en 1980, à quatre mois d’intervalle, Mark David Chapman assassine John Lennon et John Hinckley tire à bout portant sur Ronald Reagan. Chapman et Hinckley, rien à voir en apparence, si ce n’est leur âge (25 ans) et leurs origines middle-class. Rien, sauf leur passion dévorante pour L’Attrape-cœurs et son héros, Holden Caufield. Sauf qu’ils aiment tous les deux les mômes, rien que les mômes. Qu’ils se méfient des pères qui picolent. Et des mères, hystériques. À moins que Chapman et Hinckley soient seulement les rejetons paumés d’une Amérique affamée de chair fraîche, de fric et de célébrité. Avec leurs airs d’enfant de chœur, ces deux-là racontent leur jeunesse. Chapman, le petit gros qui s’inventait des amis imaginaires. Hinckley, l’étudiant solitaire, fou amoureux de Jodie Foster, la gamine de Taxi Driver, qui le sauverait de son existence médiocre. De son côté, Caufield en a marre d’être bloqué dans la tête de ces tarés qui se sont emparés de sa vie en lisant L’Attrape- cœurs ; il en a marre que Salinger, ce génie mutique et égoïste, le maintienne dans son éternelle jeunesse et dans sa rage. Il voudrait que Salinger écrive la suite. Il voudrait grandir. Pas Hinckley, ni Chapman. Ces deux-là prétendront avoir dégainé leur arme par amour. Trop d’amour c’est sûr, un amour maladif pour eux-mêmes.

Voilà L’Oncle Sam et ses âmes délaissées. La ségrégation, la violence, les rêves fracassés sur l’autel de la jeunesse.

De sa plume tranchante, Héloïse Guay de Belissen livre un roman puissant, fort, brut, musclé… un portrait ultra-réaliste de cette mère indigne que peut être l’Amérique, l’exploration de son versant sombre. L’auteure dompte ses envolées, sa structure et réussit un roman audacieux parfaitement construit, maîtrisé. Bref, un régal! 

Parution le 27 aout 2015
230 pages

Retrouvez ce roman sur le site de l’éditeur Anne Carrière Editions

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