Mélodie de Vienne Ernst Lothar

Par Didier Debroux - 20 décembre 2016

En voilà une saga passionnante. Un Downtown Abbey made in Vienne. « Mélodie de Vienne » conte avec brio le destin mouvementé de la famille Alt qui suivra les soubresauts de l’Histoire dans un roman qui se hisse au niveau des Buddenbrook de Thomas Mann.

L’histoire? Nous sommes à Vienne, en 1888. Au n°10 de la Seilerstätte se dresse un immeuble cossu. Il a été érigé cent ans auparavant par Christoph Alt, fondateur de la dynastie des célèbres constructeurs de pianos, pièces exceptionnelles sur lesquelles a joué Mozart. Depuis, ses descendants y habitent et, bien que n’ayant aucun titre nobiliaire, ils s’astreignent aux règles non écrites imposées à la haute société viennoise. Des règles mises à mal cette année-là par l’arrivée dans la famille d’Henriette Stein, qui, bien que baptisée, n’en demeure pas moins d’origine juive, et, fait tout aussi dérangeant aux yeux des Alt, est bien résolue à profiter de la vie sans se laisser corseter. Dans ces années qui précèdent la Première Guerre mondiale, Vienne est portée par une effervescence culturelle, un tourbillon de fêtes et de création. Mais l’on perçoit bientôt les fêlures du rêve austro-hongrois, la remise en question de sa mixité ethnique. Même la monarchie est ébranlée par le supposé suicide du prince héritier Rodolphe… Tout cela va mettre à bas le pays et ouvrir, quelques décennies plus tard, la porte à Hitler. Dans ce concert dissonant chaque membre de la famille joue sa partition. Franz, l’époux d’Henriette, qui dirige l’entreprise familiale, se trouve confronté au mouvement ouvrier; Otto, procureur sévère, s’accroche aux conventions ; tandis que la belle Henriette soulève l’indignation de la famille avec ses amours extra-conjugales…

Un roman addictif où l’auteur déroule avec virtuosité un pan de l’histoire de la Mittel Europa. Conjuguant la confrontaton des sentiments au coeur d’une époque troublée avec un portrait au vitriol d’une certaine bourgeoisie, Ernst Lothar livre un roman sublime qui se révèle, en filigrane, une célébration de l’esprit viennois. Bref, un régal!

Traduit de l’allemand (Autriche) par Elisabeth Landes
Parution le 2 novembre 2017
672 pages

Retrouvez ce roman sur le site de l’éditeur Liana Levi

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